Actes des apôtres 8, 26-40
Cet extrait des Actes des apôtres est un cadeau pour la pastorale de notre Église en Savoie. Il s’inscrit après le martyre d’Étienne, un bouleversement immense pour la jeune communauté chrétienne de Jérusalem, marquant le début des persécutions. Ce qui semblait devoir affaiblir cette Église naissante l’a, au contraire, renforcée. La persécution, en forçant les premiers chrétiens à fuir, a permis à la Bonne Nouvelle de franchir les murailles de Jérusalem.
L’Église, au cours des siècles, a traversé tant d’épreuves. Il arrive parfois que nous soyons découragés. Pourtant, le Seigneur veille, Il accompagne son Église, même dans les moments les plus sombres. Dieu nous rejoint dans nos nuits, dans notre fragilité, dans le scandale de la croix.
1 - L’ange du Seigneur adressa la parole à Philippe en disant : « Mets-toi en marche en direction du sud, prends la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; elle est déserte. » Et Philippe se mit en marche.
Admirez la disponibilité de Philippe face à l’Esprit Saint : il est à l’écoute, il fait confiance entièrement. Il y a la part de Dieu et la part de l’homme. Le Seigneur aurait pu directement toucher le cœur de l’eunuque, mais Il a choisi de passer par Philippe, son serviteur, comme Il aime passer à travers chacun de nous.
2 - Or, un Éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, la reine d’Éthiopie, et administrateur de tous ses trésors, était venu à Jérusalem pour adorer. Il en revenait, assis sur son char, et lisait le prophète Isaïe.
Cet homme, étranger, mutilé, porte en lui la marque de la mort, car il ne peut transmettre la vie. En conséquence, il n’est pas admis au temple. Et pourtant, il a parcouru 1500 kilomètres pour venir à Jérusalem, à la recherche de quelque chose de plus grand.
Pensons à ces personnes qui franchissent les portes de nos églises, qui viennent ou qui re-viennent de loin, parfois blessées par l’institution, mais qui ont gardé un lien avec Dieu. Dans nos communautés paroissiales, il y a ceux qui sont engagés et fidèles volontaires, et ceux qui sont aux périphéries, qui viennent occasionnellement. Ces derniers font eux aussi partie de l’Église. Comment les accueillons-nous ? Quelle attention portons-nous à ceux qui se sont éloignés ? Ce texte nous rappelle une de nos missions essentielles : manifester que nul n’est trop loin pour Dieu.
3 - L’Esprit dit à Philippe : « Approche, et rejoins ce char. » Philippe se mit à courir, et il entendit l’homme qui lisait le prophète Isaïe ; alors il lui demanda : « Comprends-tu ce que tu lis ? » L’autre lui répondit : « Et comment le pourrais-je s’il n’y a personne pour me guider ? » Il invita donc Philippe à monter et à s’asseoir à côté de lui.
Non seulement Philippe obéit, mais il court ! Quelle générosité dans la mission ! Philippe part de ce que fait cet homme et lui pose une question directe : « Comprends-tu ce que tu lis ? » Il ouvre ainsi la voie à un dialogue profond. Cela nous enseigne l’importance de ne pas hésiter à interpeller, car bien souvent, les gens attendent cette invitation à réfléchir ensemble. Combien nous sommes parfois endigués par nos timidités ! Et Philippe, en acceptant de monter aux côtés de l’eunuque, devient pour lui un guide, un catéchiste, cheminant à ses côtés, comme Jésus sur le chemin d’Emmaüs.
4 - Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Comme une brebis, il fut conduit à l’abattoir ; comme un agneau muet devant le tondeur, il n’ouvre pas la bouche. Dans son humiliation, il n’a pas obtenu justice. Sa descendance, qui en parlera ? Car sa vie est retranchée de la terre. Prenant la parole, l’eunuque dit à Philippe : « Dis-moi, je te prie : de qui le prophète parle-t-il ? De lui-même, ou bien d’un autre ? » Alors Philippe prit la parole et, à partir de ce passage de l’Écriture, il lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus.
Nous avons tendance à vouloir être directement dans la joie du dimanche de Pâques, comme si l’on pouvait la dissocier de la Croix du vendredi saint. C’est ainsi que Philippe annonce la Bonne Nouvelle de Jésus à l’eunuque, y compris dans ce qu’elle a de profondeur mystérieuse. Philippe a été formé par Jésus pendant 3 ans, il connaît l’Ecriture… Et nous, avons-nous pris le temps de nous laisser former auprès du Seigneur ? Je me réjouis que se renforce la proposition de formation permanente sur nos diocèses.
5 - Comme ils poursuivaient leur route, ils arrivèrent à un point d’eau, et l’eunuque dit : « Voici de l’eau : qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » Il fit arrêter le char, ils descendirent dans l’eau tous les deux, et Philippe baptisa l’eunuque.
Dans le discernement spirituel, il peut être bon se poser la question : « Qu’est-ce qui empêche ? ». C’est-à-dire : « Y a-t-il une raison valable pour laquelle je devrais dire non ? » S’il n’y en a pas, alors disons oui en toute confiance. En vérité, qu’est-ce qui m’empêche, moi, de faire un pas de chrétien aujourd’hui ? Que ce soit dans ma vie personnelle, paroissiale, dans ma famille, dans ma carrière, ou dans mon cheminement spirituel… Que chacun, en Savoie, se pose cette question avec sincérité : quel est ce pas que je suis invité à faire pour cheminer avec le Seigneur ? Si chaque baptisé osait faire un pas ! Ce serait beau ! Qu’est-ce qui nous empêche d’être interpellés ou d’interpeller à notre tour ?
6 - Quand ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur emporta Philippe ; l’eunuque ne le voyait plus, mais il poursuivait sa route, tout joyeux. Philippe se retrouva dans la ville d’Ashdod, il annonçait la Bonne Nouvelle dans toutes les villes où il passait jusqu’à son arrivée à Césarée.
L’eunuque se retrouve seul, mais rempli de joie. Cela nous rappelle que notre mission est de conduire toute personne vers le Seigneur, et non vers nous-mêmes. Nous sommes des serviteurs, témoins d’une réalité plus grande. Le rôle de Philippe s’achève ici, mais celui de l’eunuque continue. Pleinement accueilli par Dieu, il trouve une nouvelle fécondité en annonçant à son tour la Bonne Nouvelle.
Joie de l’eunuque, transformé par sa rencontre avec le Christ, et joie de Philippe, témoin de l’œuvre de l’Esprit Saint. Cette joie, profonde et authentique, nul ne peut nous la ravir.
Ainsi, la fécondité de Dieu ouvre des chemins que nous n’aurions jamais pu imaginer. Même submergés par les épreuves, Dieu nous appelle par notre prénom, et nul ne peut effacer ce nom gravé dans son cœur. Comme il est écrit dans Isaïe : « Moi, je ne t’oublierai pas. » (Is 49,15).
Il y a tant de raisons de se réjouir dans nos diocèses : Camille Costa de Beauregard qui, par sa béatification, devient un exemple et un frère qui chemine avec nous ; l’année sainte source de grâce, mais aussi tous les pas visibles ou cachés que nous ferons ensemble en Savoie.
+ Mgr Thibault Verny
Archevêque de Chambéry,
évêque de Maurienne et de Tarentaise