Cher Pierre-Emmanuel, cher Grégoire, chers frères et sœurs,
Parcourant notre assemblée je contemple des visages réjouis. Tout d’abord les prêtres et les diacres profondément heureux d’accueillir des frères et de leur dire « Bienvenus dans la belle fraternité de l’Église qui est en Savoie ! »
Il y a aussi la joie du peuple de Dieu qui rend grâce de vivre ces ordinations comme un cadeau du Seigneur : Voici que Jésus prend soin de son Église. Il nous l’a promis « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. » et il tient promesse.
Soyons lucides, à la suite de l’exigence de l’évangile que nous recevons ce dimanche, il y a des visages soulagés parmi nous, des personnes qui se disent intérieurement « Ouf ! la vocation sacerdotale ou religieuse, cela ne me concerne pas mais plutôt la famille d’à côté. » Nous l’avons en effet entendu, Jésus nous dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple." Quelle exigence !
Pourtant, frères et sœurs, tous, oui tous, nous sommes destinataires de cet évangile.
Et en conséquence, nos visages peuvent être tristes et découragés, car nous pouvons nous dire avec honnêteté : « Qui suis-je pour dire que je peux tout quitter ? » D’ailleurs, même saint Pierre en a fait la cuisante expérience.
Dès lors, une exclamation légitime parcourt notre assemblée cet après-midi : « La Bonne Nouvelle ce n’est pas pour moi. La Bonne Nouvelle est réservée à une élite, à un petit groupe. »
Frères et sœurs, quand le diacre nous a invité à acclamer la Parole de Dieu, nous avons répondu en vérité « Louange à toi Seigneur Jésus ! » Et nous pouvons le faire en vérité. En effet, la première phrase de l’évangile nous dit : « De grandes foules faisaient route avec Jésus ; Jésus se retourna et leur dit. »
Nous le comprenons, Jésus ne s’adresse pas un tout petit groupe choisi, trié sur le volet, mais bel et bien à toute la foule. Sans aucun doute, dans la foule, les motivations sont très diverses. Certains sont auprès de Jésus car appelés dans leur cœur. D’autres sont là par curiosité, impressionnés par l’autorité de Jésus. D’autres attendent tout simplement de le voir faire un miracle.
Comme nous tous cet après-midi, les chemins peuvent être très variés, paroissiens, amis et proches de Pierre-Emmanuel et Grégoire.
Voici que dans l’évangile, Jésus cherche à faire de cette foule, à faire de notre assemblée un peuple de disciples. Jésus ne fait pas le tri dans les motivations disparates, mais il montre à chacun ce qu’être disciple signifie vraiment.
Pour être disciple, Jésus donne deux conditions.
La première condition, nous l’avons entendue : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Autrement dit, celui qui choisit Jésus ne peut pas être en même temps disciple de son mari, de sa femme, de ses parents ou amis, et même de lui-même.
Mais attention, Jésus ne nous invite pas à renier toutes nos relations non seulement légitimes mais aussi vitales. Jésus nous montre que la relation qu’il veut nouer avec chacun de nous est différente de celle que nous avons avec chacun de nos proches, avec ceux que nous aimons légitimement. Dès lors, Jésus n’est pas un ami de plus, un soutien de plus, une référence de plus. Non, Jésus est l’Ami par excellence qui ne manque jamais. Celui qui me connaît mieux que quiconque, et mieux que moi-même. Celui qui sait mieux que personne ce qui est bon pour moi. Celui qui m’accueille tel que je suis.
Tout à l’heure, pendant la litanie des saints, la prostration sera marquante pour vous Pierre-Emmanuel et Grégoire et aussi pour notre assemblée. Cette prostration manifestera le don de vos personnes au Seigneur. Certains pourront y voir le signe de la mort à vous-même pour laisser toute la place au Seigneur dans toutes les dimensions de vos vies.
Cette prostration fait écho à l’engagement au célibat. Cet engagement n’est pas une conséquence disciplinaire de votre ordination, auquel cas, il engendrerait tristesse et frustration. Au contraire, il est une réponse au Seigneur qui vous appelle à lui consacrer toute votre vie. Jésus s’engage en retour à vous combler, à remplir en plénitude vos vies, lui qui dit à ses disciples : « Tout homme qui aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants ou une terre recevra beaucoup plus, et il aura en héritage la vie éternelle. » C’est l’Église qui est en Savoie, mais aussi l’Église du ciel évoquée par la litanie des saints, qui se réjouit de cette rencontre personnelle entre Jésus et chacun de vous Pierre-Emmanuel et Grégoire.
La deuxième condition pour être disciple est la suivante : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. » Il nous faut faire attention à ne pas faire un contresens sur le sens de la croix. Certains pourront comprendre cette phrase en disant : « Pour être disciple, il faut en baver, il faut souffrir. »
Nos croix personnelles, quelles sont-elles ? Nos fragilités, nos blessures, les épreuves que nous ne choisissons pas et qui arrivent bien assez tôt dans nos vies.
Dès lors, Jésus nous invite à ne pas avoir honte de nos croix, de nos fragilités, à ne pas les fuir, de faire aussi avec ce qui nous empêche d’avancer aussi vite que nous ne voudrions. Être nous-mêmes fait partie de notre condition de disciples. Comme saint Pierre, laissons-nous regarder avec confiance par Jésus en lui disant : « Seigneur, tu sais tout, tu connais mes croix, mes fragilités. Mais tu sais aussi que je t’aime. »
Pierre-Emmanuel et Grégoire, peut-être certains pourrons être dans l’admiration de vos démarches. Mais vous-mêmes, vous êtes lucides dans vos cœurs et conscients de vos fragilités. Jésus ne vous appelle pas à être des surhommes. Il vous appelle à lui faire confiance en vous appuyant sur sa grâce, et en vous appuyant sur l’Église, en particulier nos diocèses de Savoie qui vous accueillent et vous accompagnent.
C’est à cette condition, jour après jour, que vous serez de fidèles serviteurs à la suite des disciples de l’Évangile pour amener les hommes au Christ venu non pour être servi mais pour servir.
Alors, avancez avec confiance et paix sur ce chemin d’humilité qui s’ouvre pour vous, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Frères et sœurs, à la suite de Pierre-Emmanuel et Grégoire qui vont être ordonnés prêtre et diacre, n’ayons pas peur de suivre Jésus, et d’être son disciple. Car il nous conduit à son Père et nous donne la vraie vie, la vie en plénitude !