Homélie de Mgr Verny - Pèlerinage des familles

Le dimanche 6 octobre 2024, au Sanctuaire Notre Dame de Myans. 

"Frères et sœurs,

je suis souvent impressionné de la masse de travail que demande la préparation matérielle d’un mariage. Ce sont mille et un détails qui rendent la journée inoubliable. La fête doit être unique, originale et restée gravée dans les mémoires des convives. Mais au milieu de cette course à l’originalité, il y a des incontournables : le marié se place à droite et non pas à gauche dans l’église, et immanquablement on doit agiter sa serviette au diner à l’arrivée des mariés.

De manière étonnante, très souvent les fiancés choisissent l’évangile que nous venons d’entendre ce dimanche : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » Ce choix peut paraître étonnant car ce commandement est abrupt. On aurait pu imaginer un évangile plus doux, moins rugueux. Au lieu de cela, cet évangile apparaît comme un commandement de peur. Nos fiancés l’ont-ils choisi pour conjurer le sort du divorce qui touche tant de couples ?

Je ne le crois pas. Tout d’abord, cet évangile traduit l’idéal auquel aspire tout couple : vivre dans l’amour pour toujours. Telle est la beauté de l’engagement du mariage. Telle est la grandeur de l’être humain que de poser des actes qui le transcende. Et les fiancés souvent nous le témoignent : « Si nous voulons nous marier à l’Eglise et pas uniquement à la mairie, c’est justement pour nous dire pour toujours. » Et à ce titre, toute séparation conjugale est une épreuve et une blessure.

Nous pouvons ensuite lire cet évangile comme une source d’émerveillement vis-à-vis de Dieu qui nous accompagne dans nos engagements. Avez-vous remarqué que, dans l’évangile, Jésus emploie un verbe actif : « Ce que Dieu a uni ». Le texte ne dit pas : « Ceux qui se sont unis devant Dieu, qu’ils ne se séparent pas ». Voici que Dieu n’est pas simple spectateur mais acteur du mariage. Celui qui par excellence est un, unique, c’est Dieu. Et à travers le sacrement du mariage, il rend capable le couple de vivre un amour qui lui ressemble. Il rend capable le couple de poser un acte transcendant à son image et à sa ressemblance.

Dès lors, en choisissant cet évangile, les fiancés ne sont pas là pour pavoiser mais pour se tourner avec humilité vers le Seigneur : « Aide-nous à nous aimer comme tu nous aimes ». À travers le sacrement du mariage, Dieu s’engage et vient sanctifier le couple dans son quotidien.

Mais l’évangile de ce dimanche n’est pas qu’un évangile de mariage. Il ne vise pas que les couples mariés, séparés, voire remariés. Il nous concerne tous et il est une Bonne Nouvelle pour chacun.

Et pour bien le saisir, il nous faut rappeler le contexte de cet évangile, contexte que nous connaissons bien depuis plusieurs dimanches. Nous sommes dans la dernière montée de Jésus à Jérusalem où il va mourir. Nous voici entre la deuxième et la troisième annonce de la Passion que fait Jésus à ses disciples.

Les pharisiens cherchaient à coincer Jésus, et pour ce faire, ils veulent l’enfermer Jésus dans la casuistique du divorce. « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » A l’époque, le divorce était très défavorable pour la femme et la mettait en situation de grande fragilité. Au lieu de se laisser enfermer, Jésus recentre le débat sur la Bonne Nouvelle, à savoir que l’amour de Dieu va jusqu’au bout. Cet amour est présent dès le livre de la Genèse, et culmine en Jésus. À l’image de ce qu’expriment les époux dans l’engagement de leur mariage, quand Dieu donne il ne reprend jamais. En son Fils Jésus, Dieu fait alliance avec chacun de nous et Il nous le montre sur la croix : "Dieu a tant aimé les hommes qu’il nous a donné son Fils."

Au baptême, c’est une alliance d’amour qui est scellée, alliance que rien ne peut détruire.

Mais nous en faisons l’expérience, il est rare que nos chemins de vie soient des autoroutes toutes droites. Il existe des chemins tortueux que l’on préférerait tout droit. Il existe des situations douloureuses, souhaitées par personne, spécialement l’échec conjugal. Nul ne peut dire : « Je n’ai plus ma place aux yeux de Dieu et dans l’Eglise. » En effet, quoiqu’il arrive, la vie de baptisé continue. Quoiqu’il arrive, Dieu ne reprend jamais son amour.

Frères et sœurs, il y a urgence pour l’Eglise ! Que ce soit dans la préparation au mariage pour que les couples puissent s’engager avec liberté, avec maturité, et avec pleine conscience.

Il y a urgence pour l’Eglise à soutenir les couples qui connaissent des difficultés, et je me réjouis que nos familles se tournent vers Notre-Dame de Myans qui nous accompagne et nous soutient dans les joies et dans les peines. Puissent les propositions vers tous les couples et les familles se densifier en Savoie.

Il y a enfin urgence pour chacun de nous de témoigner autour de nous de la fidélité de Dieu à son amour dans la vérité.

Frères et sœurs, que le Seigneur affermisse nos cœurs pour que nous soyons des témoins de l’espérance que nous donne le Seigneur. Ainsi nous le partageait saint Paul : « J’en ai la certitude : ni la mort, ni la vie, ni les esprits, ni les puissances, ni le présent, ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. »"

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8 octobre 2024, mis à jour le 10 octobre 2024