Chers catéchumènes,
vos communautés paroissiales sont heureuses de vous accueillir et de vous accompagner sur vos chemins vers le baptême. Plus profondément, c’est nous tous ici qui nous laissons accueillir et accompagner par Jésus.
Baptisés, nous réalisons que Jésus marche à nos côtés dans les joies et les peines. Il nous révèle toujours plus combien est grand l’amour du Père pour chacun d’entre nous.
À travers les siècles c’est toute l’Eglise qui expérimente cette promesse de Jésus à ses disciples : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». Ainsi le Seigneur est fidèle à sa promesse. Et à travers les épreuves ou les moments plus faciles, l’Eglise poursuit sa mission de témoigner à notre monde l’amour du Seigneur, et ce, grâce, avec, et malgré ce que nous sommes.
Chers catéchumènes, à travers vos lettres de demandes de baptême que vous m’avez écrites et pour lesquelles je vous remercie profondément, vous témoignez combien vos chemins peuvent être variés : oui l’Esprit Saint a beaucoup d’imagination ! Certains parmi vous ont connu des épreuves, certains de vos chemins ont connu des virages douloureux. La découverte de Jésus dans vos vies a pu être rapide ou bien s’étendre sur plusieurs années.
Voici que, qui que vous soyez, vous expérimentez par vous-même cette belle réalité : être chrétien c’est se savoir aimé et se laisser aimer par le Seigneur. Cette réalité est profondément intime (tout spécialement en France où nous sommes culturellement très pudiques sur notre foi). Mais la vie chrétienne se vit aussi et surtout en Eglise, tout spécialement à travers notre prochain.
En ce 1er dimanche de Carême, nous recevons l’évangile des tentations de Jésus au désert.
Très souvent, nous comprenons le Carême comme un temps où il nous faut accompagner Jésus au désert, et si le séjour de Jésus a duré 40 longs jours, nous aussi nous devons être tentés pendant 40 jours de Carême. Mais ne nous y trompons pas. Fondamentalement ce n’est pas nous qui accompagnons Jésus, mais c’est lui qui nous accompagne jusque dans la profondeur de notre humanité. Et ce matin, nous le voyons dans l’évangile, Jésus rejoint notre humanité jusqu’à être tenté au désert. Que ne ferait pas Dieu pour venir nous chercher et nous sauver. Et le psalmiste de s’en émerveiller : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme que tu en prennes souci ? »
Avec vous, je voudrais reprendre brièvement chacune des trois tentations.
« Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à ces pierres de devenir du pain. »
Dans cette première tentation, Jésus est tenté de compter sur lui-même plutôt que sur son Père, Jésus est tenté de ne pas se recevoir de son Père, de vouloir faire sa volonté plutôt que celle de son Père. Il en est de même de tout homme qui est tenté de ne pas se reconnaitre créature face à son Créateur.
Ici, pour Jésus, changer la pierre en pain reviendrait à recourir à de l’exceptionnel, à du merveilleux, et à assurer sa vie par lui-même plutôt que par son Père. Changer la pierre en pain reviendrait ainsi à fuir la vie réelle et ne pas assumer la condition humaine.
Jésus retrouvera cette tentation de manière cruciale sur la Croix, quand il entendra cette interpellation : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même et descends de la Croix. »
Deuxième tentation « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes si tu te prosternes devant moi. »
Satan se prend pour Dieu en demandant à Jésus de l’adorer. Or comme lui répond Jésus, on n’adore que Dieu.
Dans cette deuxième tentation, Jésus est face à l’attrait et à l’utilisation du pouvoir. L’enjeu de la mission de Jésus va être de vivre son pouvoir comme un service. Dans la Bible, le pouvoir et la puissance ne sont pas un mal en soi. Mais vécus comme une fin et non comme un service, ils peuvent être source d’orgueil et donc de perte. Et Jésus le dira à ses disciples : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir ».
D’ailleurs, Jésus retrouvera cette deuxième tentation lorsqu’il fera la première annonce de sa Passion à ses disciples. Pierre refusera le chemin d’humilité annoncé par Jésus, et celui-ci devra lui répondre : « Passe derrière moi Satan, tu es pour moi une occasion de chute. »
La dernière tentation se passe face à Jérusalem. « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas pour que Dieu te rattrape. »
Voici Jésus tenté de mettre son Père à l’épreuve. Comme le dit avec humour l’adage : « de vouloir faire la volonté de Dieu que ça lui plaise ou non. » Si Jésus avait marché dans la combine de Satan, les habitants de Jérusalem auraient eu devant leurs yeux un signe extraordinaire : Jésus se jetant dans le vide et étant retenu par les anges ! Et immanquablement, le peuple aurait acclamé ce messie triomphant qu’il désirait tant.
Mais non, la véritable reconnaissance de Jésus se fera sur la Croix, elle se fera par la manifestation de son amour par le don de sa vie. Et c’est bien au Golgotha que le centurion romain s’exclamera : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu. » Et tout au long de son ministère, Jésus repoussera les demandes incessantes de signes et de prodige.
Portés par cet évangile, nous voici invités à la joie et à l’émerveillement, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord nous ne sommes pas seuls à cheminer, même au désert. Jésus marche à nos côtés comme un compagnon de route, comme il l’a fait avec les disciples d’Emmaüs.
Ensuite Dieu est fidèle à son amour et dès lors jamais il ne nous laisse tomber.
Enfin, nos chemins de carême prennent tout leur sens à la lumière de Pâques qui est le but de ce temps de préparation. Christ est ressuscité, dès lors rien ne peut nous séparer de l’amour du Seigneur.
Alors, frères et sœurs, portés par cette espérance, avançons avec confiance et émerveillons-nous de redire avec le psalmiste : « Mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr ! »
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